Texte et Photos : Pierre Rondel
Introduction
Comme tous les deux ans depuis 2012, l'équipe de France de F3F composée cette année de Matthieu Mervelet (pilote), Sébastien Lanes (pilote), Pierre Rondel (pilote), Andreas Fricke (chef d'équipe), et Michael Krebs (Aide, Lanceur) a participé au championnat du monde de la discipline qui se tenait en Allemagne. Si le championnat durait 6 jours, le périple de l'équipe de France a lui duré 17 jours, car depuis le début, nous faisons le pari de placer juste avant une semaine d'entrainement intensif soit sur les lieux même, soit sur un lieu similaire afin d'arriver idéalement préparé. Je vous propose donc de revivre notre voyage de 2 semaines au bord de la mer du nord puis de la mer baltique début octobre.
Une semaine d'entrainement au paradis du F3F
Et le paradis en question est le Danemark, le pays où il y a plus (presque) d'éoliennes que d'habitants. Nous avions déjà été sur ces pentes de bord de mer en 2012 et en 2016 donc nous les connaissons bien. C'est le terrain de jeu idéal car la côte regorge de petites pentes plus ou moins hautes, plus ou moins verticales qui permettent de retrouver le profil de pente que nous allions rencontrer au championnat du monde. Nous avons privilégiés cette option pour avoir les pentes pour nous tout seul et engranger les heures de vol.
C'est donc après une longue journée de voyage (départ à 4h du matin), en avion, et même 2 jours de voyage en voiture pour Andreas avec tout l'équipement, un rendez-vous à l'aéroport de Hambourg puis 400 km de route que nous nous retrouvons tout de suite, avant même de récupérer les clés de notre gite, sur une pente près de Humlum, avec 17m/s de vent, et des pointes à 20m/s. On ne pouvait pas faire mieux comme entrée en matière !
Dès le lendemain et les jours suivants, nous allons voler du milieu de matinée jusqu’à la fin de l’après-midi, pratiquement non-stop, à en vider les accus : Au programme, des centaines de bases et virages pour chacun, travail du pompage pour la prise d'altitude, travail sur le bon timing par rapport aux 30 secondes, lecture et analyse de la pente et de son relief, lecture des conditions de vent, techniques de virage en fonction de la pente et de la météo, réglage fin des planeurs (essentiellement le centre de gravité et snap-flaps) par rapport à la densité de l'air et de la force du vent.
Lors de ces vols d'entrainement, nous allons recevoir l'aide précieuse d'un allié de poids ! En effet, Pierre avait pris soin d’amener dans ses bagages 2 appareils "PiCamTrackers" construits sur la base d'un Raspberry Pi et d'une caméra “fish eye” haute définition (FHD) permettant de détecter un objet en mouvement, et placés sur les bases, reliés par câble au centre, là où se trouve le pilote, pour déclencher le beep. Ceci a permis de rester tous ensemble au point de pilotage et de pouvoir échanger sans courir à droite ou à gauche pour aller juger les virages des copains. De plus, la précision de ces appareils est démoniaque, avec un double beep (un quand le planeur passe devant, un deuxième en sortie de virage) ce qui nous a permis de travailler sur l'anticipation des virages en plus de la technique avec toujours en tête la recherche de vitesse et d'accélération.
Seule la journée de Mardi sera affectée par un gros coup de vent avec des rafales supérieures à 120 km/h. Nous ferons quand même une petite sortie et un vol chacun dans la tourmente avant que le vent atteigne son maximum, puis nous sommes retournés au chaud dans notre camp de base.
Bref, comme vous l'aurez compris, cette semaine a été intense, studieuse, appliquée, et en plus sans casse. C'est donc bien préparé que nous prenons la route le vendredi pour Rügen, cette île au nord de l’Allemagne et non loin de la frontière polonaise, à 700 km de notre base d'entrainement quand même !
German Open FAI
Il est devenu une tradition pour la plupart des championnats du monde planeur de commencer par un pré-concours FAI, faisant partie de la World Cup. Ce pré-concours, très fréquenté car les participants sont déjà sur place, y compris les aides ou chef d'équipe, ne permet pas d'effectuer un grand nombre de manches, mais a le mérite de prendre contact avec les pentes du championnat, de jauger la forme des équipes et pilotes présents et de rentrer dans le bain. La première journée du "German Open" s'est caractérisé pas un temps magnifique avec 21 degrés mais peu ou pas de vent sur cette pente sud de Goor. Après 3/4 de manches dans un vent de 3 m/s en moyenne, nous avons dû arrêter, le vent étant complètement tombé. Puis nous sommes allés à "Wind tunnel" (nom de la pente nord nord-ouest) pour tenter de finir la manche mais sans succès, le vent étant de nouveau tombé et trop travers droit. L'équipe de France a terminé cette journée vers 19h30 par l'enregistrement et le contrôle des modèles pour le championnat.
Dimanche, changement radical de la météo et retour à Wind tunnel, cette fois avec 16m/s, mais conditions faiblissantes tout au long du concours avec pour la 4ième manche un vent de plus en plus travers droit. Andreas et Sébastien volent en début de manche (comme 8 pilotes du top 10) ce qui leur permet de sortir de beaux vols et de bons chronos. Michael explose son Shinto dans la falaise sur un retour pente et une grosse turbulence. Certains morceaux ont été emportés par la mer, un coup dur. Matthieu et Pierre volent en fin de manche et essayent de s'accrocher et de limiter la casse. Malheureusement Matthieu se prend une pénalité pour franchissement du plan de sécurité sur cette pente à la crête de forme concave. Beaucoup de casse lors de cette deuxième journée, peut-être 5 à 8 modèles explosés sur la pente ou dans la falaise de sable. L’anémomètre de l'organisateur est détruit suite à une collision avec un Shinto Australien.
En gagnant la première manche en « groupe scoring » puis les 2 manches suivantes, Sébastien remporte brillamment cet open, devant une partie des favoris, les allemands ayant préféré bouder ce German Open et aller voler ailleurs. Pierre fini 9ieme, Andreas 11ieme et Matthieu 26ieme, impacté par sa pénalité. Fort de cette victoire, Sébastien remporte du même coup la World Cup 2018, très beau résultat, un grand bravo ! Cette journée de Dimanche se termine par une cérémonie d'ouverture au phare de Cap Arkona, avec les habituels discours mais aussi des clips vidéo présentant chaque pays participant, au nombre de 21. La cérémonie est suivie d'un banquet informel et convivial.
Le championnat commence !
Ce premier jour du championnat se passe plutôt bien pour l'équipe sur la pente sud de Goor: 4 manches sont courues dans du 9m/s faiblissant en fin d’après-midi. Par équipe nous sommes second, en individuel, Pierre est 4ieme, Sébastien 5ieme et Matthieu 9ième. Ce n'est que le début et le chemin est encore très long, donc surtout pas de triomphalisme et nous restons concentrés.
Cela se complique dès la deuxième journée, toujours sur la même pente, mais avec un vent plus faible et davantage de travers. Après une première manche loterie avec des temps oscillant entre 57s et plus de 90 secondes, la deuxième manche est encore pire avec un vent parallèle et même quelques vols à zéro, un véritable carnage !
Au début du groupe 3, suite à une action du pilote Allemand et champion du monde en titre, qui effectue un vol stationnaire face au vent longeant et à 10 mètre de la ligne d'arrivée, l’organisateur décide curieusement de stopper le concours et faire migrer tout le monde vers la pente de "Turbulator", sans même respecter l'interruption nécessaire de 30 minutes avant d'annuler le groupe et passer en groupe scoring. Personne ne réagit sur le moment, trop content d'arrêter là le massacre. Nous déménageons donc vers la pente de Turbulator, mais là aussi le vent est trop de travers et après avoir lancé le premier concurrent donc le vol se fini dans la falaise de sable, le directeur de course décide d’arrêter le concours momentanément puis de clore la journée. Le 3ième groupe volera donc demain. Plus tard dans la soirée nous apprenons que 3 réclamations ont été déposées, toutes pour l'absence de mesure de direction de vent et pour avoir effectué une manche avec un vent de travers au-delà de 45°. 2 réclamations ont été rejetées car déposées trop tard (maximum 1 heure après l'incident). Seule la réclamation des polonais, déposée à temps, est acceptée et il est donc décidé de faire revoler seulement le groupe 2 en plus du 3ième groupe.
La troisième journée est une petite journée pour cause de vent quasi nul ! Nous sommes "convoqués" à la pente pour midi et attendons jusqu’à 16h avant de voler. Nous avons commencé par faire voler le groupe 2, avant que le vent tombe à la moitié du groupe 3. Il devra revoler demain pour terminer cette manche 6, décidément laborieuse !
Lors de la 4ieme journée du championnat, nous nous sommes déplacés sur la pente le Witt. Les conditions sont globalement meilleures. Lors du revol du groupe 3 de la manche 6, Matthieu plante son Pitbull 2 sur la crête après une bête erreur d'appréciation, donc le vol est compté zéro, heureusement sans pénalité, mais tout de même un gros coup au moral de l'équipe. Nous effectuons ensuite 4 manches dans des conditions qui demeurent variables, les thermiques étant remplacés par des variations de direction de vent et d'intensité qui durent une dizaine de pilotes en moyenne. Les Allemands font une belle remontée, les Autrichiens ont pris le large. Sébastien est celui qui tire le mieux son épingle du jeu de nous trois, en pilotant superbement dans de plutôt bonnes conditions. Dans la dernière manche, nous assistons impuissant à un triste incident: le planeur de Stefan Fraundhofer part tout droit sans contrôle (problème radio ?) pour aller se crasher violemment dans la mer 300 mètres plus loin puis se faire engloutir, c'est dur à voir. Après cette journée bien remplie, Sébastien est aux avant-postes puisqu’il pointe en 3ieme position du classement général. Pierre ferme le top 10 et Matthieu est 13ieme. Par équipe les Allemands nous sont passés devant, ce qui était prévisible, les Autrichiens mènent la danse.
Le jour suivant nous sommes de retour à la pente sud, et les conditions sont retombées. Le calvaire recommence avec 2 manches 2/3 effectuées, une loterie mémorable avec des temps entre 46 et 112s !!! On se prend à dire: "Wow !!! Le gars il va déchirer tout le monde en faisant un temps en 69 secondes" ou à applaudir un chrono en 72 secondes .... Le supplice se termine par l'annulation du groupe 3 de la manche 13. Nous avons fini la journée par la photo de groupe. Le Lendemain, les vols doivent s'arrêter à 12h donc on peut espérer finir la manche 13 et éventuellement faire la manche 14. Sébastien perd malheureusement une place, Pierre dégringole progressivement dans le classement et pointe à la 14ième position et Matthieu remonte pour fermer le top 10. Par équipe nous gardons notre 3ieme place.
Dernier jour du championnat, les conditions ne se présentent pas bien. Nous avons attendu jusqu’à 11h30 avant de commencer le groupe 3 de la manche 13. Encore une fois le vent est vite retombé et la moitié des pilotes ont dû se contenter de mauvais chrono, y compris le futur champion du monde, Philippe Stary (Autriche). Le championnat se termine finalement vers 12h30. Sébastien ne bouge pas et rate de très peu le podium en individuel, Matthieu perd quelques places et est maintenant 14ieme et Pierre perd encore une place, en 15ieme position. Au final, la France décroche le Bronze par équipe, derrière l’Allemagne et l’Autriche.
Un programme surprise pour la remise des prix
Nous nous sommes tous retrouvés vers 15h à Rügenhof pour prendre 2 cars qui nous ont amené dans le port de Sassnitz. Nous avons ensuite embarqué à bord d'un bateau pour une petite croisière d'une heure, vers Binz puis vers Sellin plus au sud où nous avons débarqué pour passer la soirée dans un superbe bâtiment datant de 1906 et construit sur un ponton. Une fois le banquet terminé, les deux bus nous ont ramené à Rügenhof vers 22h00. Une soirée très réussi et solennelle dans un lieu chargé d'histoire.
Les enseignements de ce championnat
Les deux grandes nations de la discipline F3F restent l’Autriche et l’Allemagne. Mais elles doivent compter avec la France qui ramène une médaille par équipe comme à chacun des championnats depuis sa création. La république tchèque, les USA ou la hollande sont venu avec des équipes bien préparées, tout comme l’Espagne, venu cette année avec un junior faisant preuve d’un sacré niveau. D’autres nations, historiquement forte, ont par contre un peu déçu lors de ces championnats, comme l’Angleterre ou la Norvège. Les pays asiatiques n’avaient pas tous envoyé leur meilleurs pilotes ou alors avaient des équipes incomplètes. Le Venezuela, frappé de plein fouet par une grave crise politique et économique n’était représentée que par un seul pilote, vivant et travaillant en Espagne.
Côté planeur maintenant: Beaucoup de Shinto, sans aucun doute le planeur le plus utilisé car polyvalent et à l’aise dans le petit temps, beaucoup de Freestyler (toute versions confondues) mais finalement le parc planeur restait relativement hétéroclite, avec des modèles plus récents comme le Pitbull 2, le Device, le Pike Precision 2. La météo n’a malheureusement pas permis d’entrevoir une supériorité flagrante d’un planeur sur un autre.
Le futur du F3F
F3F est une belle catégorie parce que les règles sont simples et que nous volons dans des endroits très différents et attrayants. Tout cela me fait penser que la participation augmentera dans le futur et que les compétitions seront encore plus importante, en particulier le championnat du monde. Personnellement, les 3 principales leçons apprises à Rügen sont:
- Une manche avec 63 pilotes peut durer entre 2 heures et 3 heures selon les conditions. Pendant cette période, les conditions de vol peuvent beaucoup changer. Par exemple le matin lorsque l'air est encore humide mais s’assèche doucement lorsque le vent se lève, ce qui entraîne une différence de temps de 10 secondes, voire plus.
- Le tirage au sort doit être effectué avec soin pour garantir une parfaite distribution, ce qui n’a pas été le cas à Rügen.
- Lorsque une manche est interrompue (conditions marginales ou tombé de la nuit) et que les scores se font par groupe, la méthode de calcul des points devient vite inéquitable et conduit à des distorsions dans le classement.
Alors pourquoi ne pas essayer de faire évoluer les règles afin d’organiser une compétition plus loyale avec un grand nombre de pilotes ? Malheureusement, les premières tentatives de discussion sont infructueuses et il semble qu’il n’y ait pas de réelle volonté des autres nations de bouger, ou même à minima soutenir une quelconque réforme.
Cap vers la France en 2020 !
Ce championnat du monde 2018 n’a malheureusement pas été à la hauteur de nos espérances et préparations, le vent faisant défaut pour laisser place à une grande variabilité des conditions de vol. Mais cela fait partie du jeu en F3F et il faut l’accepter. Un grand merci l’équipe organisatrice du championnat du monde pour les efforts considérables mis en œuvre pour accueillir l'ensemble des pilotes dans les meilleures conditions. Que ce soit la communication, les cérémonies d'ouverture et de clôture, la logistique, tout était réussi. Encore un grand merci aux juges, directeur de course, chronométreurs, aides et toutes les personnes qui ont contribué à cette belle et grande compétition ! Il est dorénavant temps de se tourner vers 2020 car la candidature de la France a été retenue pour accueillir le prochain championnat. Il se déroulera début octobre en région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée entre Limoux et Castelnaudary. Cela nous laisse un peu moins de 2 ans pour s’organiser et préparer le meilleur accueil à nos amis pilotes du monde entier !
Remerciements
L’équipe de France tenait à remercier en premier lieu la FFAM pour son soutien de tous les instants, particulièrement les personnes de la FFAM qui ont activement participé à la préparation de ce championnat. Enfin, nous voulons remercier les nombreux soutiens (Baudismodel, MKS Servo Glider, Blanc Bonnet, Ecirtech, Zepsus, Servorahmen GmbH, Multiplex Modellsport GmbH & Co, Horizon Hobby Europe, Jérem-aéro, Dream-Flight, Funny Birds, Silence Model, SDlinemodel, Portachiavi 3D) qui nous ont supporté de différentes manières pendant notre préparation et durant ces deux semaines sans bien sur oublier la communauté planeurs en France qui nous a suivi de près et encouragé pendant toute cette aventure, sur les réseaux sociaux ou sur le site web de l’équipe de France !